Louis Wain

Du temps où des cartes postales étaient envoyées, on pouvait recevoir celle-ci :

Ces chats en barque s’étaient aventurés sur la Manche, the English Channel. C’est vrai que de l’autre côté, dans ce Royaume Uni, ils vivaient de la vie de la nation, eux aussi sujets de Sa Majesté, et portaient l’image de cette vie au monde entier.


Ce sont les chats de Louis Wain (1860-1939), image anthropomorphe de la  société victorienne puis édouardienne. On peut en savoir plus en français ou en anglais, internet nous offre de nombreuses références à Louis Wain. Pour les images, il suffit de glaner ici et là. Certes le dessinateur a vécu au-delà, sous le règne de Georges V, mais son monde était fixé avant. C’est un illustrateur très prolifique (méfiez-vous des imitations). Son succès, outre-Manche était très grand : assiettes, calendriers, journaux portaient ses images. Il décrivait la société middle-class, bourgeoise et petite-bourgeoise, se livrant à ses activités préférées. Boire du thé (mais ses chats, même à 2 pattes, préfèrent le lait :

On voit dans le fond une maison middle-class avec les bow-windows caractéristiques.
Ils préparent les hymnes qu’ils chanteront à l’église :

Louis Wain lui-même était catholique, ce qui le situe un peu à part, mais il était si typiquement britannique. Il dessinait sans arrêt, très sérieux, lui,

comme dans cette photographie de 1890.
Les chats, presque uniquement, dans leur intimité

ou des activités de plein air, le tennis, le golf

ou plus « marginales », comme le poker :

Sa vision de la société n’était pas satirique. Il aimait ses compatriotes. Il aimait les chats. Et pourtant sa vie fut difficile (sa femme morte d’un cancer 3 ans après leur mariage) et marquée par la pauvreté. Ses dessins avaient un grand succès, on les voyait partout, dans la presse, dans des cartes postales. Il y avait des publications nombreuses, des livres (voir dans Wikipedia l’importante bibliographie) des revues, ainsi le Louis Wain Annual de 1901 à 1915. Les Anglais aiment les chats, c’est connu. Louis Wain fut le Président en 1898 et en 1911 du National Cat Club. Cependant il était souvent dupé et ne savait pas se défendre.
Cet homme ne dessinait que des chats. On pensait qu’il était atteint de folie. (Une de ses sœurs avait été internée.) En 1924 ses autres sœurs, qui constituaient sa famille, le firent interner à son tour dans un asile pour les pauvres. L’intervention de H. G. Wells et aussi du Premier Ministre Ramsay MacDonald le firent admettre au plus confortable Bethlem Royal Hospital (Bedlam), où il finit ses jours.
Louis Wain était le sujet idéal pour les psy. Le débat sur sa « folie » n’est pas clos. On a mis certains dessins qu’il faisait à l’asile comme la preuve de la schizophrénie.
Un homme obsédé par les chats (mauvais signe). Les dessins sont utilisés comme preuve du mal (et il y a de nombreuses preuves). La chronologie, permettant de lire une évolution est cependant douteuse.
Voyez ce chat de profil :

ou celui-ci, de face, dont l’artiste (il reste artiste) ne retient que le regard halluciné :

On ne sait pas bien quoi penser. Louis Wain ne datait pas ses dessins. Il est difficile de faire confiance aux médecins qui l’ont utilisé pour faire une démonstration. Ce débat semble maintenant éviter la schizophrénie pour parler du syndrome d’Asperger (Dr Michael Fitzgerald), plus plausible. Le film de Will Sharpe récemment réalisé (2019) sur Louis Wain (biopic) aidera peut-être le grand public.

Louis Wain est un créateur. C’est ce que nous voyons. Peu importe le reste, indéchiffrable comme dans cette carte postale où l’on a écrit un début lisible : « I should’nt have thought… »

 

 
BC

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