ànima

Un article de Cornelia Dean (New York Times, June 26, 2007), tot defensant la teoria de l’evolució, dubta de la concepció mecanista de Descartes sobre els animals. Fa referència a un editorial de la revista Nature (June 14, 2007) titulat “Evolution and the brain” i a les teòries del teòleg catòlic John Haught.

En el seu llibre God After Darwin: A Theology of Evolution  (1999), Haught presenta la idea de la universalitat de l’ànima : els homes en tenen una, és clar, però també totes les criatures vives (…there is something analogous to “soul” in all living beings. We humans have souls, of course, but in its own way so does every other living being.)

Els gats, encara que poc catòlics, aprovan aquesta concepció.
Montaigne pensava el mateix:
Quan jugo amb la meva gata, qui sap si no és ella qui passa l’estona jugant amb mi, més que no pas jo amb ella?  (Quand je joue avec mon chat, qui sait s’il ne s’amuse pas plus de moi que je le fais de lui ?) (Essais, II, 12)
En el mateix capítol dels Assaigs, Montaigne parla dels altres animals i de llur ànima, com els elefants que tenen un sentit de religió.

Avui, la teoria mecanista sobre els animals és rebutjada (Vegeu: Georges Chapouthier, J.C. Nouët (editors), The universal declaration of animal rights, comments and intentions, Éditions Ligue Française des Droits de l’Animal, Paris, 1998). Vegeu també sobre Viquipèdia l’article sobre els drets dels animals.


[Al principi, aquest article fou publicat en el butlletí gat amagat, #2, març del 2007. La primera imatge és una estampa de Pere Abadal (ca. 1630-1684). Aquesta xilografía és datada 1679. Vegeu la notícia de la Biblioteca de Catalunya sobre els gravadors Abadal. L’última il·lustració és un gravat de André Lhote i prové del llibre de Paul Eluard Les animaux et leurs hommes, París, 1920.]

La posture du gentilhomme élizabéthain

La posture du gentilhomme élizabéthain,
amoureux et poète,
mollement allongé sur le côté.

Aujourd’hui il attendrait
un examen échographique de son cœur.

Cela se passerait derrière lui :
il ne verrait pas l’écran informatique,
il resterait plongé dans la perplexité
mélancolique.

D’ailleurs s’il voyait,
que penserait-il
de ces rêves d’encre,
de ces gouffres palpitants ?

[J’ai écrit ce texte en juillet 2007 à l’Hôpital Bretonneau de Tours.
La miniature, très connue, est de Isaac Oliver ; c’est le portrait de Edward Herbert, 1er Baron Herbert de Cherbury, et date de 1610-1614. Elle est faite sur vélin monté sur panneau de chêne ; ses dimensions sont 18,1 x 22,7 cm. Le terme “élizabéthain” est évidemment à prendre d’une manière générale, Elizabeth 1re étant morte en 1603 et succédée par Jacques 1er (James 1st). C’est l’époque dite “jacobéenne”, avec la publication de la Version Authorisée de la Bible en 1611.
Edward Herbert, frère du poète George Herbert, ami de Ben Jonson et de John Donne, lui-même poète, philosophe auteur du traité De Veritate et penseur qui a conçu le déisme ou religion naturelle, est un personnage passionnant, comme vous l’avez vu dans Wikipedia. Il faut lire ses poèmes ; on en trouve une édition, datant de 1881, provenant de l’Université de Californie, en cliquant sur archive.org. L’écu du gentilhomme élizabéthain de la miniature, où certains voient un cœur – un cœur – en flammes, d’autres saignant, a une signification mystérieuse. L’amour est certainement une grande préoccupation du personnage. Il est donc normal de citer ici ce poème d’Edward Herbert qui en évoque toutes les facettes, intitulé The Kiss. Point de traduction.

Come hither, Womankind, and all their worth, 
Give me thy kisses as I call them forth. 
Give me the billing-kiss, that of the Dove, 
          A Kiss of love; 
The melting Kiss, a Kiss that doth consume 
          To a perfume; 
The extract Kiss, of every sweet a part, 
          A Kiss of Art; 
The kiss which ever stirs some new delight, 
          A Kiss of Might; 
The twacking smacking kiss, and when you cease 
          A Kiss of Peace; 
The Music Kiss, crotchet and quaver time, 
          The Kiss of Rhyme; 
The Kiss of Eloquence, which doth belong 
          Unto the tongue; 
The Kiss of all the sciences in one, 
           The Kiss alone. 
So ‘tis enough. 

On peut lire, non moins mystérieux, des mots latins sur le bouclier. Au loin, un paysage tout bleu, avec une rivière et un bateau dont l’humeur est vagabonde.
La miniature est depuis 2016 propriété du National Trust. Elle devait être restaurée et exposée en divers lieux, principalement au château de Powis au Pays de Galles, où vécut Edward Herbert. BC]

Charlotte

 

[Dans quelques jours, Marie va avoir 9 ans. L’an dernier, ce dessin de Marie a remporté la compétition “Drôles de Petites Bêtes” organisée par l’équipe Marketing Petite Enfance de Gallimard Jeunesse. On en peut voir le catalogue. En cliquant, vous saurez tout sur une nouveauté (parente de Charlotte) c’est Camille la chenille de Antoon Krings. Marie, ses parents et l’éditeur ont donné leur autorisation pour la publication de ce dessin dans le blog.]

noyée

sur la place le vent s’enfuit
le ciel tourne et s’effiloche
dans cette pente aucun abri    
plus bas les voitures dorment
accueil de l’arc vigne et oiseaux

quelques lueurs dans la ténèbre
de place en place chapiteaux
où sagement jouent les renards
pélerins cortège animé
au pied de la ville endormie
et mise au tombeau trop joyeuse

presque invisible dans le gris
sommeille la Belle Babou 
sur l’oreiller tombent trois mèches
ce lobe est encore gonflé
et sur ce torse décharné
jadis s’épanouissaient des seins
ses cuisses larges en marbre gras
ont bien porté plus d’un amant
des mains chastes relèvent un suaire
presque nue mais ce corps offert
ne fait plus venir le désir
de la bouche ouverte les lèvres
rongées par le lupus des pierres
quel cri de jouissance ou d’angoisse
silencieux comme la nuit

on l’a tirée de l’eau dit-on
quel désespoir quel mauvais vent
l’ont emportée lasse et défaite
les cheveux emmêlés la nuit
enfin venue les tourbillons
d’herbes ruisselantes enfin
la nuit minérale les yeux
vers le vide si reposant

je peux fuir une porte est proche
sous les grands platanes obscurs
les brumes légères du soir
déjà apparaissent sur l’eau 
leur nappe avance doucement
un canard traverse si lourd
et s’envole dans ces caillots

tous ces espoirs et tous ces rêves
noir sous tes paupières si blanches

une barque au loin disparaît

 

 


[J’ai écrit ce texte en juin 2008.  Il est paru dans mot perso vovreio #6 du 21 juin 2008. Je voudrais faire quelques remarques, sans me lancer dans l’exégèse de quelque chose qui ne m’appartient plus. D’abord quelques faits, discutables bien sûr. Le gisant de l’église St Denis d’Amboise est un monument classé. Il provient de la chapelle de Bon-Désir (quel nom !) à Montlouis. Il est à Amboise depuis 1896. Il est quelquefois appelé “la noyée de Loire”, et c’est probablement celui de “la Belle Babou”, Marie Gaudin, épouse de Philbert Babou de la Bourdaisière, Trésorier de France. Marie Gaudin avait hérité du château de Jallanges. Elle était la maîtresse du roi François 1er. Je ne sais rien de la vérité des faits.
Je me suis refusé à l’indifférence touristique, et, regardant ce gisant, j’ai trouvé cette vision insupportable. Comme je pense “qu’on peut tout dire”, j’ai écrit ces octosyllabes. Cette “contrainte” m’a protégé. J’ai dû me résoudre, bien qu’occitan, à ne pas compter les e muets en fin de vers (j’aime les prononcer, mais c’est la règle…). Mais je me suis offert une diérèse, j’avais le droit ; je laisse les lecteurs la trouver. La rime, non. Je ne peux pas. Pitié ! Pas de ponctuation et pas de majuscule (à part le nom par lequel ce gisant est connu). Vous entrez dans ce poème comme vous le souhaitez. Il y a des enjambements ; normalement ils doivent vous porter.
Les rêveries induites par l’eau et par un fleuve en particulier peuvent être diverses. Une amie m’ayant parlé d’Ophélie au sujet de l’exposition Millais à Amsterdam, j’ai inclus ces noyées dans mes songeries. Désolé, vous ne trouverez pas dans mon texte le bonheur de la suicidée du peintre pré-raphaélite, ni le sourire ambigu de “l’inconnue de la Seine”.
Je voudrais terminer en citant un autre poème. Honnêtement je le trouve assez mauvais, mais il parle d’un autre gisant, alors il a son intérêt. Je l’ai trouvé dans un numéro acheté récemment de Art et Poésie de Touraine, celui de janvier… 1967. Je ne sais rien de l’auteur qui signe Marie-Thérèse Ronarc’h.

Fontevrault

La reine a long sommeil dans son manteau d’hermine,
Elle attend, elle attend,
Mais les voûtes qui résonnent
Sous la ronde sonore
Du peuple de la nuit
Ne la réveillent pas.
La reine a long sommeil dans son marbre glacé,
Elle attend, elle attend,
Mais ceux qui tournent comme des totons
Ne franchiront jamais les grilles du silence
Et ne réanimeront pas
Ces yeux largements morts ouverts sur les ogives
Pour toute l’éternité.

Je ne sais pas pourquoi j’écris. Quand je lis ce qui précède et que je n’aime pas, j’ai envie de me taire. BC]

“Pura vida” ou “Viva la muerte” ?

Le livre de Patrick Deville Pura Vida, paru au début 2004, nous entraîne dans le kaléidoscope de l’histoire de l’Amérique Centrale et de la Caraïbe. L’auteur parle d’emblée “du grand music-hall de l’histoire” (p. 13).
A travers des images colorées organisées en structures rhapsodiques (des lieux typés comme les bars rythment le récit), c’est un voyage dans la tête de ses personnages de Bolivar à Castro, en passant par Sandino, Somoza, le Che et – c’est là le hic – William Walker. Les héros de Patrick Deville se drapent dans le romantisme de l’échec, tous réunis, amalgamés, devant un peloton d’exécution.

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Tanka des fourmis zompopas

 

Elles défilent,
ouvrières des arbres,
méticuleuses.
Courbes dans la pénombre
leurs syllabes découpées.

 

 

 

[Poème écrit au Costa Rica en 2001, publié dans Abrégé des chemins en février 2002.  Le commentaire suivant et la traduction  (en anglais) sont proposés :
Zompopas or leaf-cutting ants (Atta spp) are common in South and Central America. They cut leaves and carry the pieces into their colonies, marching in line on the forest floor.
They march on, / workers of the forest, / so accurate. / Their cut-up syllables / are curves in the semi-darkness.]

Les ruines dans la forêt

Nous avancions péniblement sur un sentier boueux. Ici et là des flaques mordorées avec parfois un grouillement de tétards. Sur le sol mou, des empreintes animales non déterminées.
Le sentier s’élargissait, le soleil donnait fort, la marche devenait plus difficile.
Puis on nous fit obliquer brusquement sur la gauche à travers bois. Il n’y avait plus de chemin.Nous suivions la progression de la file, en faisant surtout attention où nous posions les pieds.
Le mouvement s’arrêta. On entendait le guide, en tête de la colonne. Il avait sans doute trouvé quelque chose et le commentait, mais sa voix ne portait pas sous le feuillage et les lianes qui descendaient de la canopée. Nous nous rapprochâmes, pour former un demi-cercle autour de lui.

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