La posture du gentilhomme élizabéthain

La posture du gentilhomme élizabéthain,
amoureux et poète,
mollement allongé sur le côté.

Aujourd’hui il attendrait
un examen échographique de son cœur.

Cela se passerait derrière lui :
il ne verrait pas l’écran informatique,
il resterait plongé dans la perplexité
mélancolique.

D’ailleurs s’il voyait,
que penserait-il
de ces rêves d’encre,
de ces gouffres palpitants ?

[J’ai écrit ce texte en juillet 2007 à l’Hôpital Bretonneau de Tours.
La miniature, très connue, est de Isaac Oliver ; c’est le portrait de Edward Herbert, 1er Baron Herbert de Cherbury, et date de 1610-1614. Elle est faite sur vélin monté sur panneau de chêne ; ses dimensions sont 18,1 x 22,7 cm. Le terme “élizabéthain” est évidemment à prendre d’une manière générale, Elizabeth 1re étant morte en 1603 et succédée par Jacques 1er (James 1st). C’est l’époque dite “jacobéenne”, avec la publication de la Version Authorisée de la Bible en 1611.
Edward Herbert, frère du poète George Herbert, ami de Ben Jonson et de John Donne, lui-même poète, philosophe auteur du traité De Veritate et penseur qui a conçu le déisme ou religion naturelle, est un personnage passionnant, comme vous l’avez vu dans Wikipedia. Il faut lire ses poèmes ; on en trouve une édition, datant de 1881, provenant de l’Université de Californie, en cliquant sur archive.org. L’écu du gentilhomme élizabéthain de la miniature, où certains voient un cœur – un cœur – en flammes, d’autres saignant, a une signification mystérieuse. L’amour est certainement une grande préoccupation du personnage. Il est donc normal de citer ici ce poème d’Edward Herbert qui en évoque toutes les facettes, intitulé The Kiss. Point de traduction.

Come hither, Womankind, and all their worth, 
Give me thy kisses as I call them forth. 
Give me the billing-kiss, that of the Dove, 
          A Kiss of love; 
The melting Kiss, a Kiss that doth consume 
          To a perfume; 
The extract Kiss, of every sweet a part, 
          A Kiss of Art; 
The kiss which ever stirs some new delight, 
          A Kiss of Might; 
The twacking smacking kiss, and when you cease 
          A Kiss of Peace; 
The Music Kiss, crotchet and quaver time, 
          The Kiss of Rhyme; 
The Kiss of Eloquence, which doth belong 
          Unto the tongue; 
The Kiss of all the sciences in one, 
           The Kiss alone. 
So ‘tis enough. 

On peut lire, non moins mystérieux, des mots latins sur le bouclier. Au loin, un paysage tout bleu, avec une rivière et un bateau dont l’humeur est vagabonde.
La miniature est depuis 2016 propriété du National Trust. Elle devait être restaurée et exposée en divers lieux, principalement au château de Powis au Pays de Galles, où vécut Edward Herbert. BC]