Du polycarbonate dans l’assiette

Une exposition d’œuvres de l’artiste costaricien Carlos Poveda, au Pavillon Charles X du Parc de la Perraudière à Saint-Cyr-sur-Loire, a suscité les réflexions qui suivent. Ces notes ont d’abord paru dans mon bulletin vovreio n° 12 du 22 septembre 2009, puis ont été reprises dans Ici Tiquicia (le bulletin de l’Association Nationale France Costa Rica) n° 11 de décembre 2009. J’en reprends l’essentiel avec un intérêt plus marqué pour la trajectoire de l’artiste.

Les sculptures étaient intitulées Plato pour la plupart, avec un numéro. En effet on voyait des plats, mais remplis d’étranges nourritures ; il y avait là une séduction, mais aussi une provocation.

Quoi de plus banal, de plus universel que l’acte de manger ? En même temps, cette préoccupation constante de chacun est de celles auxquelles on n’accorde souvent qu’un minimum de réflexion. Quel paradoxe !

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“Pura vida” ou “Viva la muerte” ?

Le livre de Patrick Deville Pura Vida, paru au début 2004, nous entraîne dans le kaléidoscope de l’histoire de l’Amérique Centrale et de la Caraïbe. L’auteur parle d’emblée “du grand music-hall de l’histoire” (p. 13).
A travers des images colorées organisées en structures rhapsodiques (des lieux typés comme les bars rythment le récit), c’est un voyage dans la tête de ses personnages de Bolivar à Castro, en passant par Sandino, Somoza, le Che et – c’est là le hic – William Walker. Les héros de Patrick Deville se drapent dans le romantisme de l’échec, tous réunis, amalgamés, devant un peloton d’exécution.

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Tanka des fourmis zompopas

 

Elles défilent,
ouvrières des arbres,
méticuleuses.
Courbes dans la pénombre
leurs syllabes découpées.

 

 

 

[Poème écrit au Costa Rica en 2001, publié dans Abrégé des chemins en février 2002.  Le commentaire suivant et la traduction  (en anglais) sont proposés :
Zompopas or leaf-cutting ants (Atta spp) are common in South and Central America. They cut leaves and carry the pieces into their colonies, marching in line on the forest floor.
They march on, / workers of the forest, / so accurate. / Their cut-up syllables / are curves in the semi-darkness.]

Les ruines dans la forêt

Nous avancions péniblement sur un sentier boueux. Ici et là des flaques mordorées avec parfois un grouillement de tétards. Sur le sol mou, des empreintes animales non déterminées.
Le sentier s’élargissait, le soleil donnait fort, la marche devenait plus difficile.
Puis on nous fit obliquer brusquement sur la gauche à travers bois. Il n’y avait plus de chemin.Nous suivions la progression de la file, en faisant surtout attention où nous posions les pieds.
Le mouvement s’arrêta. On entendait le guide, en tête de la colonne. Il avait sans doute trouvé quelque chose et le commentait, mais sa voix ne portait pas sous le feuillage et les lianes qui descendaient de la canopée. Nous nous rapprochâmes, pour former un demi-cercle autour de lui.

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