Parny

C’est grâce à Ravel, pour les mélodies sur les Chansons madécasses, que le nom du poète revit. Et pourtant, il était célèbre en son temps et il a marqué les plus grands.

 

On lira avec profit la notice qui lui est consacrée dans Wikipédia.

Parny connaît la célébrité à la fin du 18e siècle, notamment pour ses Poésies érotiques (voyez Gallica).

Il y a certes l’aspect people : ce mariage interdit paternellement pour cause de mésalliance, avec la jeune Esther, devenue Eléonore en poésie. Mais cette poésie change des galanteries artificielles du siècle en introduisant la passion et la sincérité. Poèmes érotiques, mais aussi lyriques. Dans une posture pré-romantique, ces textes ont un destinataire unique.

 Tu l’as connu, ma chère Éléonore,

Ce doux plaisir, ce péché si charmant

Que tu craignois, même en le désirant ;

En le goûtant, tu le craignois encore.

Eh bien, dis-moi ; qu’a-t-il donc d’effrayant ?

Que laisse-t-il après lui dans ton âme ?

Un léger trouble, un tendre souvenir,

L’étonnement de sa nouvelle flâme,

Un doux regret, et sur-tout un désir.

Le lecteur d’aujourd’hui attend peut-être autre chose. Ici, le mot érotique évoque simplement l’amour. Parny n’en cache pas la dimension sensuelle ; il n’y a aucune censure, mais ce n’est pas son sujet. Cette poésie n’est pas exempte de la phraséologie très 18ème de la galanterie, mais c’est le bonheur que Parny évoque. Ce poème s’appelle Le lendemain. On peut comparer avec les yeux battus de Cécile Volanges, qui elle, dans la même situation, annonce le malheur.

Évariste Parny avait commencé par son Épitre aux insurgents de Boston (1777) ; c’est un hymne à la liberté et à la révolte. Un contemporain (Tissot) écrivait : “Cette pièce lui eût valu les honneurs de la Bastille, si on avoit pu le soupçonner d’en être l’auteur : son obscurité le sauva.”

Le jeune militaire vivait avec ses amis dans le luxe et la volupté dans son abbaye de Thélème (baptisée La Caserne), à Feuillancour, près de Saint Germain en Laye.

Les chansons madécasses parues en 1787 marquent sa grande créativité. Il y a douze textes. Ce sont des poèmes érotiques (Nélahé, Il est doux…, Nahandove) qui expriment avec netteté l’antiracisme et l’anticolonialisme de l’auteur (Méfiez-vous des blancs…, Une mère…). Elles sont données comme une traduction du malgache. Parny n’a jamais mis les pieds à Madagascar. Connaissait-il le malgache ? Des amis, au cours de son voyage aux Indes lui en avaient donné des notions. En fait ces Chansons lui appartiennent entièrement. Et ce sont des poèmes en prose, probablement les premiers de la langue française.

Sa Guerre des Dieux (1799), long poème anticlérical très voltairien et hard en choquait plus d’un, dont Chateaubriand, pourtant grand admirateur de Parny, qui a répondu en 1802 par le Génie du Christianisme, et surtout Bonaparte, mais son poème Goddam (paru en 1804) était anti-anglais à souhait et l’Empereur ne pouvait plus lui fermer l’Académie Française.

Parny était célèbre, ses admirateurs nombreux (Baudelaire parmi eux, pour les Poésies érotiques et les Chansons madécasses).

L’Université n’a pas accepté dans son corpus de poètes « étudiables » quelqu’un comme Evariste Parny, car trop érotique, critique du racisme et du colonialisme, anti-clérical, libre-penseur. Le résultat est que ce nom est absent des manuels et que c’est par la musique que nous le connaissons.

Du vivant de Parny, plusieurs de ses poèmes ont été mis en musique ; voyez sur Gallica Les adieux, Le Buisson, romance, ou Le Baiser et même la 9e Chanson madécasse intitulée Vaïna (Ô ma mère, ton sein m’a portée…).

A la BNF, on peut lire une édition de 1920 des Chansons madécasses. Elle a appartenu à Maurice Ravel et il en a fait don à la Nationale après avoir choisi trois poèmes (Nahandove, Aoua, Il est doux…) pour écrire des mélodies. Elle est illustrée de bois de Jean-Emile Laboureur.

 

 

[Bibliographie : outre Wikipédia et Gallica déjà mentionnés, voir Catriona Seth Évariste Parny, 1753-1814 – Créole, révolutionnaire, académicien (2014) et de Parny La Guerre des Dieux chez Honoré Champion en 2002 et les Œuvres complètes (4 volumes) chez L’Harmattan (2010).]

 

 

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