Trouvé à Marchmont Street

 

 

 

 

 

 

Ça brille dans le soleil. Qu’est-ce que c’est ? Et il y en a d’autres. Comme un chemin qu’il faut suivre. Les villes nous ont appris des parcours marqués par des symboles peints ou inclus dans le ciment. Nous sommes à Londres, mais il ne s’agit pas de la Jubilee Walk : c’est beaucoup plus beau, et plus discret. Ici, il s’agit d’enfants abandonnés et le chemin ne mène nulle part.
Un artiste d’aujourd’hui (il est franco/suisse, vit en Angleterre depuis 1996 et s’appelle John Aldus) a collé sur le sol ces images métalliques pour évoquer les tokens que les mères éplorées laissaient au Foundling Hospital pour retrouver un jour – espéraient-elles – l’enfant qu’elles venaient d’abandonner. Le musée du Foundling Hospital est tout près de Marchmont Street. On le visite (peu), surtout pour y voir le portrait par Hogarth de son fondateur, le Capitaine Coram. Ce n’est pas ici que nous parlerons de l’art du peintre, cependant, deux mots sur ce tableau. Thomas Coram n’était pas grand, mais Hogarth a voulu que ce portrait exprime la dignité, l’humanité, la “grandeur” du fondateur du Foundling Hospital. L’angle de vision, en contre-plongée,  permet de lui donner aux yeux du monde la stature (héroïque) d’un chef. Personne n’est dupe du stratagème : Hogarth veut dire qu’avant tout, c’était un homme bon. Du tableau, on a fait une statue il y a une cinquantaine d’années (œuvre de William MacMillan, 1963) et elle nous accueille à l’entrée du musée. L’Hospice des Enfants abandonnés (Foundling Hospital) avait besoin de dons. Ils affluèrent et pas seulement en argent mais en œuvres d’art, car le Capitaine Coram avait les relations qu’il fallait. Ces œuvres, principalement du 18e siècle à partir de la création de l’hospice en 1739, forment le cœur du musée. On y voit aussi un manuscrit du Messie de Handel, plusieurs fois joué à cet endroit.
La partie la plus intéressante, à mon avis, est au rez-de-chaussée et concerne le fonctionnement de l’hospice. Tout ce que l’on savait des enfants était scrupuleusement inscrit sur un registre. On y joignait, enfermé dans des feuilles repliées, ce que les mères donnaient pour, leur prospérité revenue, reprendre leur enfant. Souvent c’était une pièce cassée en deux : la mère gardait une moitié et espérait la joindre à l’autre. Quelquefois c’était un petit bijou en argent, parfois avec une inscription, comme ceux de Marchmont Street. Souvent, les mères n’avaient rien de valeur à donner. Ne sachant que faire, elles laissaient un bout d’étoffe de leur robe. C’était dûment enregistré et enfermé dans le registre. La lumière n’a pas eu d’effet sur les couleurs, on dirait que le tissu a été acheté hier. Les enfants abandonnés étaient très nombreux dans le Londres de la misère (pensez à la gravure Gin Lane de Hogarth). Le Foundling Hospital Museum dit que sa collection de cotonnades du 18e siècle est la plus grande du monde. Et la mieux conservée.
A Marchmont Street, sur le côté, il y a le moderne Brunswick Shopping Centre, temple de la société de consommation. De l’autre côté de la rue, l’Holiday Inn. C’est pareil.
Les foundlings n’ont plus leur place ici. Parfois on regarde à ses pieds. Souvent on détourne la tête.

 

 

 

 

 

 

[Sur le Foundling Hospital et Marchmont Street, il faut voir le film (20′) sur John Aldus. Le site du musée peut rendre service. Site plus général, voyez. Tout cela est en anglais ; John Aldus le parle bien.]

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