Vouvray chante

Dans l’opérette Les mousquetaires au couvent, l’action se déroule à Vouvray. Le village de ce nom, situé en Indre-et-Loire, n’a jamais eu de couvent. Il est vrai, nous sommes dans un 17e siècle de fantaisie, et il y a d’autres Vouvray, et surtout c’est le chant qui compte. Naguère (c’était le 1er décembre 2010), dans le blog “Lire à Vouvray “, j’en avais parlé.
Mais ici, ce n’est pas un lieu, mais un personnage qui porte ce nom.
Il est vrai, le nom “Vouvray ” peut être porté par une personne, homme ou femme d’ailleurs, nous disent les Kabalarians. Sur cette question, voir le billetWhat’s in a name ? ” que j’ai écrit sur le sujet (le 12 mai 2010) dans le blog de la Bibliothèque de Vouvray.
L’opérette Vouvray date de 1929. Le livret est d’André Baugé et la musique de Rodolphe Hermann.

En se reportant à la page qui lui est consacrée dans “L’encyclopédie multimédia de la comédie musicale en France, 1918-1944 “, on saura beaucoup de choses : l’intrigue, le théâtre (c’était le Trianon Lyrique), les critiques (de Comœdia au Figaro).
Nous trouvons dans Comœdia du 4 mai 1929, sous la plume de Pierre Maudru, le résumé de l’intrigue :
” Dans une auberge de Touraine, des bandits sont réunis sous le commandement du terrible Baranquard, dont la tête est mise à prix par le connétable de Luynes. Baranquard a conçu le projet d’enlever Jacqueline de Ryssac, fille d’un châtelain des environs, et de la rançonner. Un jeune poète — Vouvray — malgré son caractère léger (son nom le veut ainsi) est sincèrement épris de Jacqueline : il la protégera. Retenu prisonnier dans l’auberge, il se déguise en femme et s’échappe après avoir grisé les brigands. Quand on s’appelle Vouvray, cette opération n’est point difficile.

Au château de Ryssac, où Jacqueline, du haut de sa tour, déverse des cantilènes sur les rhumatismes d’un vieux jardinier — elle s’amuse comme elle peut, cette petite ! — Vouvray se fait engager comme « bonne à tout faire » par le baron de Ryssac, gentilhomme alcoolique et grand trousseur de cotillons, sauf celui de son épouse, ce qui désespère l’honneste dame.

Baranquard ferait donc bon marché de Jacqueline s’il ne trouvait devant lui Vouvray qui, après un rétablissement sur le lustre, saute à la gorge du bandit et l’étrangle, non sans avoir reçu lui-même un coup de poignard dans le flanc. Guéri pendant l’entr’acte, grâce aux soins de Jacqueline et de son valet Carrelet, il accorde à celui-ci la main d’une jeune aubergiste et épouse la dame de ses pensées, à laquelle tout nous fait croire qu’il sera bientôt infidèle.
Comme on le voit, il n’y a pas plus conventionnel. Les critiques notent la gaîté de l’opérette. Comment en douter quand on voit que le titre de l’un des airs est : “Couplets du pou qui tousse” ? C’est “un mélodrame joyeux” dit Le Figaro (P-B Gheusi, 5 mai 1929), “une sympathique bouffonnerie”.
Les chanteurs, Antoinette Reville  dans le rôle de Jacqueline

 

 

 

 

et André Baugé  surtout, dans le rôle de Vouvray

 

 

 

sont fort applaudis.
Les jugements sur la musique de Rodolphe Hermann sont plus réservés et vont de l’ennui à l’éloge poli.
André Baugé était très célèbre et c’est pour lui qu’on allait au Trianon Lyrique. En 1929 il enregistre “Le credo du paysan”, très connu.  En 1930, il reprend dans un enregistrement “Le rêve passe”, chanson “patriotique”, “patriotarde”, également très connue, à la gloire de Napoléon Ier et de l’Empire, mais qui évoque la Grande Guerre qui vient de s’achever ; on l’écoutera sur une vidéo où les images parlent avec efficacité de cette période. Déjà en 1906, quand cette chanson a été composée, on était loin d’Austerlitz ; la chanson ne disait-elle pas : “L’hydre au casque pointu / Sournoisement s’avance” ? André Baugé avait souffert dans sa chair (il avait été gazé) lors de la Guerre de 14-18. Il avait des excuses. Sur la vidéo (28 octobre 2011), on se garde bien de montrer les gueules cassées.
Les airs de l’opérette faisaient partie de ce que les amateurs mélomanes voulaient chanter, comme on le voit sur ce choix.


[Je voudrais remercier François Le Roux qui a attiré mon attention sur l’opérette Vouvray. BC]

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